Prolégomène 3 Ce qui donne au proverbe son originalité (A. Laimé)

Nous avons déjà parlé de l’originalité, et c’est loin d’être un problème simple. Parfois en effet, c’est la chose elle-même qui l’amène avec elle, comme « Les larmes de crocodile ». Parfois, c’est la figure de style qui la lui confère, car l’adage se décline selon toutes sortes de figures rhétoriques, mais nul besoin n’est de décrire celles-ci une à une. Je n’aborderai que les figures les plus fréquentes qu’il prend. Il y a presque toujours une métaphore mais celle-ci renferme plusieurs espèces : l’allégorie n’est pas la moins fréquente, même si pour certains elle est aussi une sorte de métaphore. Voici un exemple de la première « L’affaire est à bon port », et de la seconde : « Le loup baille ». Il n’est pas rare non plus de trouver une hyperbole, par exemple : « Plus nu que la dépouille d’un serpent ». Parfois, l’adage touche presque à l’énigme qui, selon Quintilien, n’est rien d’autre qu’une allégorie particulièrement obscure, comme « La moitié est plus que le tout ». Parfois c’est l’allusion qui donne de l’attrait à un adage, ainsi en est-il de : « Frappe ainsi », ou de « Quand deux hommes marchent ensemble », ou encore de « Ce qu’il est advenu chez toi de bon et de mauvais ». De temps à autre, c’est la propriété du mot qui lui donne l’aspect d’un proverbe, comme « un immense malheur » . Il arrive de temps à autre que c’est l’ambiguïté elle-même qui donne du charme au proverbe. De ce genre on a : « Un bœuf sur la langue » ou « Comme une souris à Pise ». En effet, le mot bœuf renvoie à un animal, mais aussi à une pièce de monnaie. Le mot souris est le nom d’un animal et de la même façon désigne (une partie d’ ???)un athlète ; Pise, le nom d’une ville, augmenté d’une petite lettre renvoie à un poix, pissa. Parfois, c’est l’étrangeté même de l’expression qui fait l’adage comme « Dans le vin, la vérité ». Si on disait en effet « Les hommes saouls disent la vérité », cela ne ressemblerait pas à un adage. De même si on disait « Sans nourriture ni boisson le désir languit », cela ne ressemblerait pas à un adage. Par contre « Sans Cérès ni Bacchus, languit Vénus», tout un chacun reconnaît la forme d’un adage. Mais cette étrangeté-là, comme tout autre, provient de la figure de style. Parfois, c’est l’ancienneté (archaïsme) qui donne le charme, comme « Caution appelle malheur ». En somme on trouvera dans les adages toute sorte de geloion, c’est-à-dire de sujet de se réjouir. Mais décrire point par point celles-ci pourrait sembler fastidieux. Pourtant j’en dirai un peu plus long plus tard sur les figures de style des proverbes.