adages
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.
Le Deal du moment :
Cdiscount : -30€ dès 300€ ...
Voir le deal

Prolégomène 6 : De la grande utilité de connaître les adages (A. Laimé)

Aller en bas

Prolégomène 6 : De la grande utilité de connaître les adages (A. Laimé) Empty Prolégomène 6 : De la grande utilité de connaître les adages (A. Laimé)

Message  JCS Ven 8 Mai - 10:40

Il me reste à montrer rapidement qu’il n’y a pas moins d’utilité dans les proverbes qu’on ne leur a attribué jadis de considération. La connaissance des adages conduit en particulier à quatre choses, parmi une foule d’autres : à la philosophie, à la capacité de persuader, à l’ornement et la grâce du discours, à la compréhension des meilleurs auteurs.
Commençons par préciser tout d’abord, afin que nul ne s’étonne si j’ai dit que les proverbes appartiennent à la science philosophique, qu’Aristote, selon Synesios, estime que les adages ne sont rien d’autre que les reliques d’une antique philosophie, disparue lors des plus terribles catastrophes de l’histoire humaine. On les a conservés en partie pour leur concision et leur brièveté, en partie pour leur enjouement et leur charme : c’est pourquoi nous les considérons d’œil, non pas nonchalant ni endormi, mais particulièrement attentif et scrutateur. Ce sont en effet, dirait-on, comme les étincelles d’une vieille sagesse qui fut bien plus clairvoyante dans sa quête de la vérité que les philosophes qui ont suivi. Plutarque, de même, dans son essai intitulé « Comment lire les poètes », pense que les adages des anciens sont en tout point semblables aux mystères de la religion dans lesquels on a coutume d’exprimer ce qu’il y a de plus important et de plus saint par des rituels insignifiants, et presque risibles à voir. Ils signifient en effet, en termes très brefs, présentés sous une sorte de voile, exactement ce que les princes de la philosophie nous ont transmis en tant d’ouvrages. L’adage hésiodique Pleon hèmisu pantos selon lui n’exprime rien d’autre que ce que Platon, dans le Gorgias et ses livres sur la cité, s’efforce d’exposer à grand renfort d’arguments : « Il vaut mieux être victime d’une injustice que d’en commettre une ». Quel précepte plus salutaire les philosophes ont-ils jamais transmis pour bien mener sa vie, et quoi de plus proche de la religion chrétienne ? Or c’est d’une telle importance ce que renferme ce tout petit, ce minuscule proverbe : « La moitié est plus que le tout » ; car tout enlever à autrui, c’est le dépouiller de façon à ne rien lui laisser. Par contre, ne recevoir que la moitié c’est être visiblement lésé d’une partie. Il vaut mieux être lésé que léser.
Poursuivons : si l’on analyse avec une particulière précision, très en profondeur, ce mot pythagoricien « Entre amis, tout est commun », on trouvera à tout coup que dans cette expression s’est quintessenciée l’idée de bonheur humain. Que se propose d’autre Platon dans tant d’ouvrages sinon de nous convertir à cette communauté, garantie par l’amitié ? Si l’on pouvait en persuader les mortels, sur le champ disparaîtrait de nos yeux la guerre ; la jalousie, la fourberie, en peu de temps l’armée toute entière des malheurs déserteraient nos vies, une fois pour toutes. Qu’a proposé d’autre le Christ, prince de notre religion ? Assurément il a transmis au monde l’unique précepte de charité, en nous rappelant que l’essentiel des lois et des prophètes repose sur celle-ci seulement. Mais à quoi d’autre nous exhorte la charité sinon à la communauté des biens ? C’est-à-dire que réunis par l’amitié avec le Christ – cette même amitié qui assurément le rattache au père -, imitant autant que possible cette communion absolue par laquelle le Père et lui ne font qu’un, nous ne soyons qu’un avec lui, et, comme le dit Paul, que nous devenions « un seul esprit et une seule chair » avec Dieu, et que selon la loi de l’amitié, tout de lui nous soit commun, tout de nous lui soit commun. Puis, reliés les uns aux autres entre nous par les liens égaux de l’amitié, comme les membres d’une même tête, comme si un même esprit animait un seul et même corps, que nous ayons même sujet de nous plaindre et de nous réjouir. C’est ce que nous enseigne l’image du pain mystique, pétri de milliers de grains qui ne font qu’une même farine, et celle du vin, mélange de nombreuses grappes en une seule boisson. Enfin, cet adage nous exhorte, de même que la totalité de la création est en dieu et dieu à son tour est en chaque créature, à ce que l’ensemble des êtres ne fassent qu’un seul corps. On voit combien de philosophie, ou plutôt de théologie, nous a fait découvrir un si petit adage : bien plus qu’un océan !

JCS
Admin

Messages : 222
Date d'inscription : 08/04/2009

https://adagio.forumactif.org

Revenir en haut Aller en bas

Revenir en haut

- Sujets similaires

 
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum