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Prolégomène 7 : Les proverbes comme moyen de persuasion (A. Laimé)

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Prolégomène 7 : Les proverbes comme moyen de persuasion (A. Laimé) Empty Prolégomène 7 : Les proverbes comme moyen de persuasion (A. Laimé)

Message  JCS Ven 8 Mai - 10:41

Et si ce n’était pas assez d’être sage soi-même, si l’on voulait persuader autrui, un bon bagage de proverbes ne serait pas inutile. Aristote, par exemple, l’affirme assez : dans sa Rhétorique, il classe plus d’une fois les adages dans la catégorie des preuves. « Ainsi, dit-il, si l’on veut persuader quelqu’un de ne pas se lier d’amitié avec un vieil homme, on usera comme preuve du proverbe suivant : "Ne fais jamais du bien à un vieil homme" » Ou encore, si l’on cherchait à convaincre celui qui a tué le père de tuer aussi les enfants, on usera avec profit de ce proverbe: « C’est un idiot celui qui laisse vivre les enfants après avoir tué le père. » Qui ne sait quel poids apportent les preuves à la faculté de persuader. Les sentences ne sont pas non plus d’une médiocre utilité. Mais Aristote classe aussi les proverbes dans la catégorie des preuves.
Quintilien dans son Institution Oratoire mentionne les proverbes en de nombreux endroits, comme s’ils servaient de plus d’une façon à être éloquent. Ainsi, dans son cinquième livre, il associe les adages aux exemples, et leur reconnaît une même force que ces derniers, qui en ont une très remarquable. Ensuite, dans le même livre, il les range dans la classe des arguments, que les Grecs nomment kriseis. On use abondamment de ceux-ci et ils sont d’une grande utilité pour persuader et émouvoir. Mais pourquoi ne pas citer plutôt les mots de Fabius lui-même : « Même les maximes courantes et les idées reçues par la croyance populaire ne seront pas sans utilité. Ce sont en effet, pour ainsi dire, des témoignages peut-être encore plus déterminants, parce qu’ils ne sont pas accommodés en vue de la cause, mais parce qu’ils ont été formulés et pratiqués par des esprits dégagés de toute haine et de toute influence, uniquement en raison de leur haute valeur de moralité ou de vérité. » Il ajoute un peu plus loin : « Il y a aussi les adages populaires qui, précisément parce que l’auteur est incertain, sont, pour ainsi dire, la propriété de tout le monde, par exemple : "Là où sont les amis, là sont les richesses" et "La conscience vaut mille témoins", et, chez Cicéron : "Suivant le vieux proverbe : Qui se ressemble s’assemble". De telles maximes n’auraient pas conquis l’immortalité, si elles n’avaient donné à tout le monde l’impression de la vérité. » Pour cette citation de Fabius, en voilà assez. Un peu plus loin, Quintilien, toujours lui, rapproche des adages les oracles des dieux ; il les trouve pour ainsi dire voisins, et de même famille.
Et qu’en est-il de Cicéron ? Dans sa plaidoirie pour Flaccus, ne retire-t-il pas leur crédibilité aux témoins grâce au proverbe : « Place le risque sur un Carien » ? Dans la même plaidoirie, n’a-t-il pas ôté toute crédibilité au peuple entier des Grecs et à leurs témoignages par ce seul proverbe : « Donne-moi une preuve en retour ».
Et que dire encore de cela ? Les philosophes eux-mêmes aussi étaient çà et là leurs raisonnements par des proverbes. Il faut d’autant moins s’étonner si souvent les historiens cherchent à donner du crédit à leur narration par quelque adage. Tant et si bien que les traces écrites qui ont disparu, ce qui n’a pu être conservé sur des inscriptions, des statues colossales ou du marbre est préservé intact par un proverbe, pour indiquer en passant cette raison supplémentaire de louer les adages.
Enfin, saint Jérôme n’a pas rechigné à confirmer une sentence de l’évangile en usant comme preuve d’un adage courant : « Un riche est soit un homme mauvais, soit l’héritier d’un homme mauvais ». Même Paul en personne ne dédaigne pas d’user de proverbes comme preuves, à quelques occasions, non sans raison. Car si le pithanon, c’est-à-dire la vraisemblance, joue le premier rôle pour convaincre autrui, quoi de plus plausible que ce que tout le monde dit ? Quoi de plus vraisemblable que ce que le consensus, et pour ainsi dire le suffrage, de tant d’époques et de nations a approuvé ? Il y a, c’est certain, il y a dans les adages je ne sais quoi qui rappelle la force naturelle et authentique de la vérité. En outre, comment aurait-il pu se faire que la même sentence, presque toujours, s’est diffusée parmi cent peuples, s’est traduite en cent langues sans disparaître ni tomber en désuétude tout au long des siècles, auxquels même les pyramides n’ont résisté ? C’est donc bien avec raison que l’on dit que rien n’est plus résistant que la vérité. Ensuite, il arrive que, je ne sais comment, une sentence, comme lancée sous la forme d’un proverbe, frappe plus vivement l’esprit de l’auditeur et laisse fichés en lui les aiguillons qui vont stimuler sa réflexion. Car on touchera bien moins l’esprit si l’on dit « La vie de l’homme est fragile et brève » que si on citait le proverbe : « L’homme est une bulle ». Enfin, ce que Fabius a écrit sur le rire - à savoir que la plaisanterie résout les plus grandes difficultés des plaidoiries que ne savait résoudre aucun argument – cela est particulièrement vrai de l’adage.

JCS
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